Texte de Chantal Lebaillif
D’après les journaux de Virginia Woolf.
Avec : André Nerman (Léonard), Chantal Lebaillif (Virginia), Marie Menant (Nelly, la cuisinière).
La pièce a été créée le 30 novembre 2006, au Théâtre Marcelin Berthelot de Montreuil (93).
Mise en scène : Chantal Lebaillif,
Création lumières : Jacques Duvergé,
Scénographie : Stéphanie Laurent,
Musique : Francis Courtot,
Photos : Le Limon.
Crédit affiche : Batmanu.
Virginia Woolf, le fameux auteure de La promenade au phare est sans conteste, un des plus grands écrivains de cette première moitié du 20° siècle. Ce spectacle parle d’une autre promenade, plus en amont de l’œuvre, plus cachée peut-être.
En effet, il s’articule essentiellement autour d’une sélection particulière de textes, tirés des journaux et de la correspondance de Virginia Woolf. À la lecture de ce matériau qui constitue une mine inépuisable de réflexions et d’interprétations, on est vraiment très frappé du potentiel éminemment théâtral des nombreux dialogues contenus. Au-delà des clichés et de tout ce qu’on a pu dire de cette Anglaise, souvent considérée comme mondaine ou comme folle, on entend ici le témoignage dépouillé, sans artifices ni faux semblants, d’une femme prise comme tout un chacun dans la glue du quotidien, qui se bat pour réaliser ce en quoi elle croit. Les dialogues entre d’une part, Virginia et son mari Léonard, et d’autre part entre Virginia et Nelly (sa cuisinière) soulignent leurs désaccords parfois virulents et attestent du caractère singulier d’une femme de volonté, haute en couleurs, en prise avec son temps.
Spectacle tout public à partir de 12 ans – Durée : 1h40.
À propos de la pièce
Dans cette espèce de confidence, nous suivons pas à pas Virginia Woolf, nous la voyons se renouveler et se transformer par la cause qu’elle s’est donnée de défendre. Ici, c’est de littérature dont il question, bien sûr, mais aussi des liens que la littérature entretient avec le politique, l’humain et la science. Sa vocation (on pourrait dire sa passion) exigeante se heurte parfois à ses aspirations les plus intimes. Il est troublant d’entendre parler cette femme qui pose un regard d’une lucidité toute particulière, avec une capacité d’observation inégalable, sur les différents événements de sa vie. Au prix d’une étonnante ténacité, elle parvient à savoir ce qu’il lui faut mettre en œuvre, parmi tout ce fatras, pour nourrir ce qui lui semble le plus important à accomplir. On sort de tout cela troublé mais ragaillardi par toute cette énergie déployée, d’autant plus que Virginia Woolf était capable d’un humour anglais incontestable !
A travers ce témoignage particulier, quelque chose d’universel de l’exigence et de la réalité de l’engagement se dit. Cette grande dame de la bonne société anglaise se permet en franc tireur de faire vaciller les divers crédo de son milieu sans pour autant les renier. Un mélange d’insolence, d’honnêteté et de bonne foi fonde le rapport de Virginia Woolf à son temps. On retrouve dans le parcours de cette femme beaucoup des stigmates de notre époque qui viennent interroger tout un discours actuel sur la création, le rapport de l’artiste au politique et sa place au sein de la société.
À propos de la mise en scène
Un grand tulle blanc, du sable fin, un décor couché sur le plateau, à l’horizontal, un peu comme des vagues, qui se rapprochent ou s’éloignent, tour à tour menaçantes et réconfortantes, selon les moments évoqués.
À la verticale, des panneaux apparaissent ponctuellement, recouverts de dessins empruntés au peintre chinois He Yifu qui s’est si souvent promené sur les côtes Bretonnes et qui viennent souligner la finesse du propos et la subtilité de la réflexion de Virginia Woolf.
Un bruit de vagues et des fragments de quatuor de Beethoven ponctuent le spectacle et viennent surprendre Virginia à son bureau écrivant ou Léonard dans son fauteuil, lisant. L’extérieur s’invite à l’intérieur jusqu’au moment où il emportera tout sur son passage. L’arrivée du deuxième conflit mondial ébranlera irrémédiablement Virginia Woolf.
Par des petites touches, le tourbillon des interrogations et des certitudes prend place, parce qu’on fabrique sa vie aussi avec ses obsessions, ses croyances et ses espoirs.