Auteure et interprète Chantal Lebaillif
Enfants du crépuscule ou L’histoire d’une transmission inversée est le deuxième volet de la trilogie « Le temps continue… ».
Elle a été crée le 10 novembre 2022, au théâtre du Scarabée à La Verrière (78), dans le cadre d’une résidence.
Mise en scène : Chantal Lebaillif,
Création lumières : Jacques Duvergé,
Scénographie : Stéphanie Laurent,
Musique : Francis Courtot,
Photos : Jean-Christophe Bardot.
Crédit affiche : Amandine Masson.
Nous sommes dans la cour de récréation d’une ancienne école abandonnée où des jouets délabrés jonchent le sol. Cette cour a été transformée en zone de campement à la limite d’une frontière. Cette dernière sert à protéger l’Île de la Civilité qui a l’énorme avantage d’être épargnée des impacts considérables du dérèglement climatique et qui du même coup, est très convoitée pour sa douceur de vivre.
Un militaire attend, sur cette île, les ordres de son supérieur, le commandeur, comme il l’appelle. Ce militaire adhère sans retenue au discours du commandeur et lui obéit avec un empressement exemplaire : c’est normal, il fait son métier, il est là pour sécuriser. Il contrôle et trie aussi puisqu’il ne doit laisser passer qu’un petit nombre de personnes selon des critères précis. Ils sont si nombreux, ceux qui veulent rejoindre cette île épargnée des fureurs de la nature ! Aussi chaque chose a sa place, chaque limite est posée, tout est normal, immuable… L’éternité est assurée.
Seulement voilà, dans sa solitude, notre tranquille et obéissant militaire se fissure. Quand il réalise que ces migrants sont peut-être des enfants, aussi jeunes que son fils parti depuis six années, il tremble « comme une femme ».
Quand il comprend que l’Île de la Civilité sera finalement, elle aussi, impactée par la fonte de la banquise jusqu’à se défigurer et être engloutie sous un amas de boue, il a peur, comme un môme.
Peu à peu le doute s’insinue chez le spectateur :
Et si cet homme était une femme ?
Et si ces migrants étaient des enfants qui ont perdu leur innocence ?
Et si ce dérèglement climatique impactait toutes les zones, toutes les îles, toues les cités ?
Tous ces questionnements vont s’opposer aux discours qui nourrissent les certitudes de notre militaire. Ses convictions vont trembler, mais pour autant, cela sera-t-il suffisant pour lui permettre de changer de paradigme ?
Spectacle tout public à partir de 15 ans – Durée :1h40.
Les dates
Du 12 au 14 décembre 2024 à 20h
Le dimanche 15 décembre 2024 à 15h
Au Théâtre du Temps – Paris (11°).
À propos de la pièce
Nous sommes traversés par différents discours ambiants qui prennent en otage des problématiques spécifiques à la période que nous vivons, afin de minimiser leur importance et les liens qu’elles entretiennent entre elles. Ces problématiques exigeraient pourtant un regard neuf à la taille de certains enjeux considérables qu’elles révèlent, comme l’explosion de différents dualismes :
Enfant-Adulte ou la question de la responsabilité ;
Féminin –Masculin ou la question du genre ;
Passé-Futur ou notre présentisme ravageur qui méprise le passé et oblitère le futur ;
Dedans-Dehors ou aux question de territoires avec tous ces mûrs érigés de par le monde, qui prétendent empêcher la libre circulation des hommes et qui dressent, les uns contre les autres, ceux qui ne veulent pas (plus) migrer et ceux qui n’ont pas d’autre choix que la migration ;
Zones impactées- Zones protégées ou à la question du dérèglement climatique, qui vient troubler la cartographie des régions tempérées et des régions extrêmes.
Tout se tient.
La prétendue supériorité des pays dits développés se manifeste bien souvent par la destruction (de la planète, des plus faibles, des plus jeunes, des plus pauvres, des plus démunis). Parler du dérèglement climatique, c’est parler des mouvements migratoires, c’est parler de notre rapport aux autres, au monde, à la nature. C’est parler de notre appât du gain. C’est parler de notre volonté de dominer.
Ces défis, liés au dérèglement climatique et aux déplacements de populations qui en résultent déjà, viennent interroger, pour la première fois en ces termes, l’avenir des futures générations. Si notre terre devient à ce point inhospitalière, nous serons confrontés, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, à un défi inédit, face auquel l’homme de 60 ans deviendra aussi inexpérimenté que l’enfant qui vient de naître.
De quelle prétention sommes-nous encore animés dans notre obstination à vouloir dominer ?
Comment le théâtre peut-il s’emparer de ce tremblement ?
Il n’est pas là pour apporter des réponses, encore moins du réconfort. Dans son obstination à vouloir « re-présenter », il peut pourtant créer un lieu de parole pour questionner, imaginer autrement, pour déposer sur le plateau toutes nos peurs, nos angoisses, nos doutes, pour mieux nous les donner à voir, pour les reconstruire à taille humaine, pour les partager ensemble, petits et grands, hommes et femmes, blancs et noirs.
Je pense à Marivaux avec son Île aux esclaves qui avait déjà su introduire du doute dans l’évidence du rapport maître-valet d’une part et du rapport homme-femme d’autre part.
Avec Enfants du crépuscule, il s’agit d’une autre île où l’urgence à questionner est d’autant plus radicale qu’elle est menacée d’engloutissement.
À propos de la mise en scène
À jardin, des bâtons, en bois, solides, très hauts, comme une immense barrière.
À cour, des fils, très hauts aussi mais très fins, que le moindre déplacement fait bouger.
Les bâtons pour délimiter l’espace protégé.
Les fils, aussi imprévisibles dans leurs mouvements que de la neige fondue, qu’une banquise qui se disloque.
Entre ces deux limites, coincé, un ancien espace pour des enfants, une cour de récréation abandonnée, avec des restes de jouets et de peluches sur le sol et un soldat, qui porte une mitraillette… Sauf que notre soldat, comme les enfants, ne joue plus depuis longtemps.
Et puis un très grand panneau blanc qui se déploie à la fin du spectacle, où figurent des oiseaux, au crayon noir, comme ceux de Nicolas de Staël. En réalité, tous ces oiseaux sont uniquement là pour ces enfants du crépuscule, qui s’obstinent à demander de leur petites voix : « Passe oiseaux, passe, apprend moi à passer. »
Face à l’engloutissement de l’Île, il ne reste plus à notre militaire qu’une seule solution : cesser d’obéir, cesser de trier, pour rejoindre le flot de ces petits enfants qui continuent d’avancer courageusement, faisant face inébranlablement au défi de ce dérèglement climatique.
Où est la force ? Son habit de soldat, sa mitraillette ne lui serviront plus à rien, il le devine, il lui faut se sauver et devenir le migrant de demain.
Ces enfants du crépuscule, comme les appelle notre petit soldat, qui sont les gardiens de cet éternel commencement, l’encourageront à démolir le mur de ses croyances derrière lequel iel s’est laissé.e enfermer.
Ce sont eux qui lui apprendront le chemin à suivre. Aucune autorité, aussi puissante soit-elle, ne pourra résister à toutes ces petites voix, celles des plus faibles. Une transmission inversée.