Sans tomber dans le travers de ces commentateurs qui estiment qu’on ne peut pas appréhender une œuvre si on ne connaît pas la vie intime de l’auteur, il faut avouer que dans le cas de Pirandello, on a souvent le sentiment que les écrits et l’homme ne font qu’un. À travers sa correspondance, il est possible de retracer son cheminement personnel et de construire des ponts éclairants son œuvre ; ici, il s’agit essentiellement de romans, de nouvelles et de lettres.

Dans le spectacle, c’est une femme qui parle. Grande admiratrice de Pirandello, elle voudrait lui parler et elle l’attend. À l’en croire, ce dernier lui a donné rendez vous dans un endroit qui a dû être un théâtre, il y a bien longtemps. Dit-elle la vérité ou ment-elle ? Qui est elle au juste ? Une simple réminiscence d’un des personnages de Pirandello ? Elle nous emmène dans cet univers pirandellien où le sourire et l’ironie ne font jamais défaut. Où s’arrête la réalité, où commence la fiction ?

À travers ses journaux, Virginia Woolf parle de son métier. Elle écrit qu’elle est un « fabricant de phrases ». Mais elle se demande aussi : « c’est quoi un écrivain ? » Bien longtemps après, elle avouera qu’elle ne sait toujours pas. Elle sait juste une chose : « Pour écrire, il faut observer, regarder… Regarder les toutes petites choses ! Et puis, je persiste à croire que l’aptitude à recevoir des chocs est ce qui a fait de moi ce fabricant. »

Seule en scène, assise à son bureau avec pour unique compagne sa machine à écrire, elle râle, elle pleure, elle regarde, elle observe, elle écoute… Elle cherche toujours et toujours le mot juste… Elle essaie d’écrire, elle écrit !

Plus vivante que jamais, on devine toute l’énergie dont elle est capable.
Elle livre jusqu’à épuisement un combat sans merci contre ses peurs, ses doutes et ses rêves. Virginia Woolf devient fascinante de sincérité et de sensibilité, de force et de fragilité, de ténacité et de clairvoyance.

L’adaptation se présente comme un cheminement où on remarche sur les pas de cet homme, né en 1950, à Naples. Elle s’applique à donner à voir et à sentir, au travers d’extraits d’interviews et de romans (Trois chevaux, En haut- à gauche, Le contraire de un, Essais de réponse, Tu moi) les principales étapes, les différents aspects de la vie et de la personnalité de cet homme.

Restituer à travers ce spectacle le sentiment d’un homme impressionnant, chassant sans rémission tout ce qui peut maquiller le vrai. À l’image de quelqu’un qui ne s’est jamais épargné, on sent dans ces écrits rocailleux, le désir d’un échange d’une grande intensité, un désir d’intimité avec la langue et les mots sans aucun compromis.
Ce passionné de montagne s’applique à préserver sa solitude pour mieux rencontrer l’autre : les autres auteurs pour qui il voue un profond respect (Rilke en particulier), ces camarades d’usine Fiat, ces africains de Tanzanie où il a été bénévole. Le spectacle laisse imaginer, avec l’économie du geste et le dépouillement propre à Erri De Luca, un parcours sous forme de stations. Peu de déplacements mais des attitudes caractéristiques pour chacune de ces stations, autrement dit une petite scène découpée en trois lieux évoquant chacun une ambiance spécifique. Erri De Luca, en promeneur assidu, nous initie aux différentes étapes de son cheminement littéraire… si particulier !

Stefan Zweig, cet homme aux multiples contradictions, a cherché toute sa vie à les dépasser, pour atteindre une possible réconciliation avec lui-même. Pour des raisons politiques évidentes, il a dû chercher un sol où poser les pieds, au sens propre du terme. De l’état d’étranger, il est passé à celui d’exilé. Toutes ces quêtes l’ont conduit à une errance intérieure secrète et intense qui a profondément modelé son œuvre.
Le spectacle s’appuie sur cette errance qui créé des zones d’ombres, le plus souvent inconnues de ses lecteurs.
En écriture, il a renoncé dans un premier temps, à œuvrer pour lui-même en préférant faire des traductions. Même plus tard, quand il osera écrire des œuvres personnelles, il continuera de penser qu’il faut avancer masqué pour protéger son être. Son style en est le reflet. Il préfère l’allusion, le détour, la métaphore à l’expression directe, en procédant par suggestions jusqu’au vertige.

Pour le spectacle, Zweig est là seul sur la scène, lisant assis dans son fauteuil, faisant les cents pas, interrogeant ses écrits, pris dans la tourmente de la vie. Les mots de cet auteur Autrichien résonnent alors différemment et donnent à entendre des aspects parfois surprenants et méconnus de cet écrivain.